Le dégoût en management, un levier aux effets incroyables

Tribune publiée dans Focus RH le 21/11/2025

Flashback

Que ce soit dans les couloirs de votre entreprise, lors d’un afterwork ou au sortir d’une réunion, qui n’a pas déjà entendu l’une de ces phrases : 

“Je suis blasé par cette décision.” 

“Ce type de comportement est vraiment écœurant.”  

“Cette histoire me donne envie de vomir.” 

“C’est vraiment un sale - - -, il me dégoûte.”

“Non mais quelle horreur cette façon de faire !”

“Son attitude est répugnante.”

“Ceci est tout simplement dégueulasse.”

Derrière ces exemples, une même émotion, le dégoût.


Ce que le dégoût nous murmure à l’oreille

Les émotions, terme dont l'étymologie signifie se mettre en mouvement, en action, ont la fonction de préparer notre corps à réagir d'une certaine façon, en mode “automatique”. Ainsi, sans en avoir toujours conscience, à la suite d’un stimulus interne ou externe, notre cerveau analyse les informations perçues et nous fait réagir d’une certaine manière.

Le dégoût a la mission de nous protéger d’une intoxication, d’une contamination, d’un risque. En milieu professionnel, on sera principalement sur le dégoût moral, celui qui met à distance une menace pour notre identité psychique, notre intégrité. Ainsi, le besoin associé est celui d’être respecté dans ses valeurs, dans ses croyances, de s’écarter de quelque chose (ou quelqu’un) qui peut nous être déplaisant voire toxique, de repousser une chose à laquelle on refuse d’être associé, confondu.

En termes de sentiments - déclinaison psychologique de l’émotion - le dégoût peut donner lieu à du mépris, du dédain, de la répulsion, de l’aversion, de la répugnance, de l'écœurement. On peut alors ressentir de l’aigreur, de l’amertume, du rejet, de l’injustice. 

En termes de sensations - déclinaison corporelle de l’émotion -  on recense par exemple le fait d’avoir la nausée, de se sentir mal, d’avoir une boule au ventre, la gorge serrée… bref des signes de l'activation de notre système nerveux.

Les risques encourus par le dégoût au travail

"Les émotions changent la façon dont nous voyons le monde et comment nous interprétons les actions des autres." nous dit Paul Ekman, psychologue de renom sur le sujet. Alors quelles conséquences quand l’émotion du dégoût s’invite avec fréquence au travail ?

Si on se concentre uniquement sur les conséquences comportementales - mais je vous laisse imaginer évidemment celles sur le plan de la santé - nous pouvons observer de l’énervement, du rejet, du découragement, une perte de confiance, une baisse de l’engagement, du mal être, de la mise à distance, de la fuite active ou passive… et ça continue avec l’évitement, la démotivation, la froideur. 

Alors si on considère que la mission première du manager est de créer les conditions de la coopération entre son collaborateur et le reste des acteurs de l’écosystème de l’entreprise, on se dit qu’il y a urgence à prendre à bras le corps ce dégoût.


Alors comment se prémunir ? 

Dans son livre L’intelligence émotionnelle, Daniel Goleman écrit “C’est uniquement chez l'adulte “civilisé” que l'on rencontre la plus grande anomalie du règne animal : des émotions coupées des réactions qu'elles devraient entraîner.”

Mon propos n’est donc pas de chercher à “couper l’herbe sous le pied” à ce dégoût, mais au contraire de lui donner une place pour qu'il puisse s’exprimer. Pour cela, le pré-requis comme souvent, est un environnement de confiance, celui qui permet de dire ce que je ressens sans jugement et sans crainte. La qualité d’écoute du manager est essentielle tout comme un dialogue régulier et ouvert. L’empathie a toute sa place et le management par le sens est central. 

Et pour l’humain qui est traversé par le dégoût ? Je dirais dans un premier temps d’identifier ce qui crée ce dégoût, nommer ce facteur déclencheur, réfléchir seul ou avec son manager sur les ajustements nécessaires pour que cela devienne tolérable. Et si cela n’est pas possible, définir son seuil maximal de tolérance et les décisions qui en résultent.


Pour conclure, le dégoût étant lié aux valeurs personnelles de l’individu, je soulignerais la très haute importance du choix des valeurs de l’entreprise et du respect de celles-ci dans les actes du quotidien. Et si des décisions ou comportements peuvent être vécus comme immorales, injustes ou contraires aux valeurs, en faire un sujet de discussion n’est pas une option.

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