Société à Mission : nouvelle vache à lait pour les RH ?
Tribune publiée dans Focus RH le 16/05/2025
22 Mai 2019, la loi PACTE* est promulguée et avec elle, la possibilité d'inscrire une raison d'être dans les statuts des entreprises ainsi que celle d'adopter la qualité juridique de société à mission. 6 ans plus tard, et alors que dans la matrice BCG, une “vache à lait” est un produit qui génère de hauts bénéfices sans nécessiter de gros investissements, pouvons-nous considérer le modèle de Société à Mission comme une vache à lait pour les stratégies RH ?
Rapide topo sur les SAM
Formaliser sa raison d’être, c’est exprimer la singularité de son entreprise, sa vocation, ce à quoi elle veut contribuer dans son secteur d’activité et c’est aussi énoncer le futur auquel elle souhaite participer.
Adopter la qualité de Société à Mission dans ses statuts, c’est également ancrer sa raison d’être dans son modèle d’affaire. En formalisant ses objectifs statutaires, l’entreprise s’engage à apporter des réponses concrètes aux enjeux sociaux et /ou environnementaux sur lesquels elle veut agir. C’est ceci qui sera vérifié tous les 2 ans (ou 3 ans pour les entreprises de moins de 50 salariés) par un organisme tiers indépendant.
En France, fin 2024, 1961 sociétés à mission sont recensées et plus d'un 1 million de salariés sont concernés**. Quels bénéfices pour les RH ?
Des retours d’expérience prometteurs
Bien conçue et bien déployée, la mission (entendre la raison d’être et les objectifs statutaires associés) crée de nombreux effets positifs, notamment au niveau RH.
Céline Augusto, Co-fondatrice de Green Family, racontait lors d’un webinar organisé par la Communauté des Entreprises à Mission que cela avait pour vertu de “fédérer l’équipe avec un projet attractif et d’offrir un cadre de travail engageant qui pousse à aller plus loin”. Du côté de CAMIF, Pierre Launay, Directeur Général, partageait l’impact positif sur la redéfinition de la culture et du mode managérial.
Guillaume Desnoes, Co-Fondateur d’Alenvi, expliquait lors du Congrès européen des entreprises à mission 2024, que la raison d’être permettait d’attirer et de faire un bon filtre dans le cadre des recrutements. De son côté, Pauline d’Orgeval, Co-Fondatrice de 2ème avis, racontait comment la mission avait été un levier puissant auprès de candidats pour leur équipe IT. Enfin Paola Fabiani, Présidente de Wisecom, soulignait son impact sur la diminution du turn over.
Les raisons du succès
Après avoir identifié une partie des avantages d’un point de vue RH / Talents, regardons ce qui en est à l’origine et en quoi cela change le travail.
Travailler dans une société à mission, c’est travailler au sein d’une entreprise qui officiellement prend position et s’engage au service de son écosystème.
Travailler dans une société à mission, c’est travailler au sein d’une entreprise qui dispose d’une boussole qui donne du sens aux actions de chacun des Talents, de chaque équipe.
Travailler dans une société à mission, c’est travailler au sein d’une entreprise qui propose un cadre qui offre une nouvelle façon d’appréhender son métier. On passe du “faire” au “pour quoi faire”.
Travailler dans une société à mission, c’est travailler au sein d’une entreprise qui innove, invente, donne vie à de nouvelles idées et de nouvelles façons d’exercer.
Travailler dans une société à mission, c’est travailler au sein d’une entreprise qui ajoute à ses paroles, des actes concrets et qui rend compte de ses avancées.
Travailler dans une société à mission, c’est travailler au sein d’une entreprise qui invite à vivre une aventure, à contribuer à un projet plus grand que soi et qu’elle-même.
Enfin, travailler dans une société à mission, c’est travailler au sein d’une entreprise qui rend fier.
Alors, vache à lait ou pas ?
Reprenons donc ! Si on entend par “vache à lait” un moyen de générer des bénéfices importants et réguliers avec des investissements relativement faibles, alors je ne crois pas que l’on puisse dire que le màdèle de Société à mission en soit une pour les stratégies RH.
Car même si les bénéfices sont réels, forts, non négligeables, ce modèle exige un investissement plein et entier : une authenticité de la démarche, une capacité à savoir renoncer, une compétence à se remettre en question, un talent pour oser réinventer les choses, une énergie pour construire durablement.
Pour autant, je dirais en conclusion que même si ces investissements sont importants, le jeu en vaut la chandelle car les effets directs et indirects donnent vie à des entreprises et à des cultures d’entreprise mieux alignées avec les attentes de nombreux Talents. Et n’est ce pas là la préoccupation première de toute bonne stratégie RH ?
* Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises
** Source : 8ème Baromètre des sociétés à mission - 2024